Chapitre quatre: La Société Coloniale d’Alger (5/5)

Épisode cinquième

il en va de l’intérêt de chacun

Il fallut toute l’autorité de Bretesche de Saint-Maur pour dissuader les outragés de régler l’affaire en duel. Il fut convenu qu’une partie des dettes de monsieur de Charette serait apurée par un subside communal extraordinaire, perçue sur les transactions effectuées par les marchands de chameau, d’eau de rose et de laine filée, et que monsieur Hochdörffer céderait la chronique théâtrale à un collaborateur moins exigeant.

En ce qui concerne « Le Colombin d’Angers », le problème n’était point si grave. L’établissement appartenait à un marabout et était de longue date voué à la démolition. Il ne s’agissait en somme que de reloger le père Barbasson, ce qui se réalisa sans trop de problèmes, grâce à l’intervention des autorités militaires, qui disposaient d’une foultitude d’immeubles saisis ou en déshérence. Dans le mois, à deux pas du précédent, « le Colombin d’Angers » rouvrit ses portes et la Société Coloniale d’Alger put à nouveau offrir à ses membres les commodités que des civilisés étaient en mesure d’exiger.

Cependant, ce ne pouvait être qu’une solution provisoire, l’immeuble mis à disposition par l’armée étant lui aussi voué à la démolition en raison des travaux d’extension du port. Où aller donc ? La question fut bientôt au centre de toutes les conversations des sociétaires.

Bretesche de Saint-Maur se souvint alors d’un vieux projet dont il avait quelquefois entendu parler, lequel consistait dans l’érection d’un établissement de prestige sur la place d’Armes. Un commensal lui rafraîchit la mémoire… Quelques mois auparavant, un jeune gandin était arrivé de Marseille pour suivre les travaux. Le dit gandin, du nom de Dejazet, n’avait pas jugé opportun de se faire connaître des membres de la Société, de sorte que personne ne s’était intéressé à ses activités, encore moins de lui apporter le moindre secours. Il avait, dieu seul savait comment, obtenu le concours de quelques indigènes pour poursuivre son projet et était parvenu à faire place nette. « Ah certes, avait dit Bretesche de Saint-Maur, il s’agit de cet espace en face de la statue, certes, certes, j’ai bien constaté que des travaux étaient en train, mais il me semble qu’ils n’avancent guère. Et si nous invitions ce charmant jeune homme à nous les exposer ? »

La suite lundi, dans un nouvel épisode.